La France est-elle homophobe?
La semaine dernière, à l'occasion de la Marche des fiertés, la gay pride nationale à Paris, Daniel Borrillo, Eric Fassin, Noël Mamère et Caroline Mecary publiaient une tribune dans Le Monde du 28 juin, intitulée “Homophobie = identité nationale?”, dans laquelle ils reprochent à “la France de Nicolas Sarkozy” de “se figer dans l'immobilisme d'un ordre traditionnel présumé immuable” et d'imposer une homophobie d'État, “nouvelle exception française”. Ils prennent pour exemple la nouvelle condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'homme dans l'affaire Emmanuelle B.; la réforme de l'autorité parentale qui “oublie” les homoparents, le mariage qui s'ouvre aux couples de même sexe dans de des pays toujours plus nombreux — ce qu'ils appellent “la logique de la démocratie sexuelle” —, une évolution dont la France semble s'éloigner; le cas de Frédéric Minvielle, Français marié à un Néerlandais, qui a été déchu de sa nationalité française, nationalité qu'il aurait conservée s'il avait épousé une Néerlandaise…
Quelques jours plus tard, Le Monde, toujours, publiait la réponse de Rama Yade, “Notre bilan contre l'homophobie”. Sur un ton outré, la Secrétaire d'État aux affaires étrangères et aux droits de l'homme dénonce un propos “honteux”, un esprit “confondu”, un “texte outrancier [qui] ne mérite pas un excès d'attention”… avant d'y répondre quasiment point par point.
À première vue, la réponse de Rama Yade peut sembler convaincante. Certes, “pour la première fois, cette année, la France reconnaît la journée internationale de lutte contre l'homophobie”. Pour le pays des droits de l'homme, c'était la moindre des choses, non? Nicolas Sarkozy était déjà président l'an dernier à l'époque de cette journée (le 17 mai), pas depuis longtemps, mais j'ai du mal à croire que les réformes qu'il veut mettre en place n'aient été décidées qu'après son élection. Et la droite était déjà au pouvoir les années précédentes, de toute façon. Donc cette année, sur ce point, la France répare une erreur et rattrape son retard. Bien.
“Je vais prendre l'initiative de présenter - et c'est une première -, devant l'Assemblée générale des Nations unies, une déclaration transrégionale appelant à la dépénalisation universelle de l'homosexualité”, continue Rama Yade (j'adore le “je”, on est vraiment dans le culte du “moi” avec ce gouvernement). Une première? Quid de la résolution sur les droits humains et l’orientation sexuelle que le Brésil a présentée dès 2003 devant le Conseil des droits de l'homme de l'ONU? La France, comme les autres pays européens et le Canada (contrairement aux États-Unis, quelle surprise) soutenaient cette résolution, bloquée par le Vatican et l'Organisation de la conférence islamique (OIC). Rama Yade n'était pas encore au gouvernement, mais cela ne veut pas dire qu'il ne se passait rien avant. Pas assez, mais pas rien. N'ayons pas la mémoire si courte.
À propos de mémoire, elle s'insurge ensuite contre “l'oubli délibéré par nos auteurs que l'affaire citée de la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'homme porte sur des faits commis il y a dix ans, sous le gouvernement de Lionel Jospin”. Parce que la situation a changé en France depuis?
Je pourrais continuer pendant des pages… Tout est une fois de plus question de point de vue, et je ne crois pas qu'il faille remettre en cause la bonne foi de Rama Yade. Elle est comme GayLib, elle veut y croire. C'est tout à son honneur, mais elle va avoir sacrément besoin de Sainte Rita!
Ce post est tellement long qu'il commence à ressembler à un article de Salon.com (un de mes sites préférés, d'ailleurs), donc je vais m'arrêter là, après 2 autres remarques. Le même jour que la tribune de nos petits camarades, Le Monde publiait un reportage intitulé “J'avais jamais vu un homosexuel”. Toute mon admiration va à Alice Guéna, la présidente du Mouvement d'affirmation des jeunes gais, lesbiennes, bi et trans (MAG). Aller parler d'homosexualité à des ados, c'est déjà très fort. Garder son calme et ne jamais les juger, c'est bluffant.
Et dernière chose: comme toujours, les commentaires des lecteurs du Monde valent leur pesant de cacahuètes. Entre les partisans de l'Apartheid, qui préfèreraient que les homos règlent leurs “problèmes” sans déranger les hétéros, ceux qui ne voient même pas pourquoi on se plaint, et les homophobes presque assumés, c'est à se demander s'ils sont vraiment représentatifs de ce pauvre journal. Heureusement, quelques internautes pleins de bon sens viennent remettre un peu d'ordre. Mais c'est la preuve, s'il en fallait une, que le combat pour l'égalité est loin, très loin d'être terminé.
MÀJ: Act Up-Paris a aussi répondu à Rama Yade. À lire ici.
Quelques jours plus tard, Le Monde, toujours, publiait la réponse de Rama Yade, “Notre bilan contre l'homophobie”. Sur un ton outré, la Secrétaire d'État aux affaires étrangères et aux droits de l'homme dénonce un propos “honteux”, un esprit “confondu”, un “texte outrancier [qui] ne mérite pas un excès d'attention”… avant d'y répondre quasiment point par point.
À première vue, la réponse de Rama Yade peut sembler convaincante. Certes, “pour la première fois, cette année, la France reconnaît la journée internationale de lutte contre l'homophobie”. Pour le pays des droits de l'homme, c'était la moindre des choses, non? Nicolas Sarkozy était déjà président l'an dernier à l'époque de cette journée (le 17 mai), pas depuis longtemps, mais j'ai du mal à croire que les réformes qu'il veut mettre en place n'aient été décidées qu'après son élection. Et la droite était déjà au pouvoir les années précédentes, de toute façon. Donc cette année, sur ce point, la France répare une erreur et rattrape son retard. Bien.
“Je vais prendre l'initiative de présenter - et c'est une première -, devant l'Assemblée générale des Nations unies, une déclaration transrégionale appelant à la dépénalisation universelle de l'homosexualité”, continue Rama Yade (j'adore le “je”, on est vraiment dans le culte du “moi” avec ce gouvernement). Une première? Quid de la résolution sur les droits humains et l’orientation sexuelle que le Brésil a présentée dès 2003 devant le Conseil des droits de l'homme de l'ONU? La France, comme les autres pays européens et le Canada (contrairement aux États-Unis, quelle surprise) soutenaient cette résolution, bloquée par le Vatican et l'Organisation de la conférence islamique (OIC). Rama Yade n'était pas encore au gouvernement, mais cela ne veut pas dire qu'il ne se passait rien avant. Pas assez, mais pas rien. N'ayons pas la mémoire si courte.
À propos de mémoire, elle s'insurge ensuite contre “l'oubli délibéré par nos auteurs que l'affaire citée de la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'homme porte sur des faits commis il y a dix ans, sous le gouvernement de Lionel Jospin”. Parce que la situation a changé en France depuis?
Je pourrais continuer pendant des pages… Tout est une fois de plus question de point de vue, et je ne crois pas qu'il faille remettre en cause la bonne foi de Rama Yade. Elle est comme GayLib, elle veut y croire. C'est tout à son honneur, mais elle va avoir sacrément besoin de Sainte Rita!
Ce post est tellement long qu'il commence à ressembler à un article de Salon.com (un de mes sites préférés, d'ailleurs), donc je vais m'arrêter là, après 2 autres remarques. Le même jour que la tribune de nos petits camarades, Le Monde publiait un reportage intitulé “J'avais jamais vu un homosexuel”. Toute mon admiration va à Alice Guéna, la présidente du Mouvement d'affirmation des jeunes gais, lesbiennes, bi et trans (MAG). Aller parler d'homosexualité à des ados, c'est déjà très fort. Garder son calme et ne jamais les juger, c'est bluffant.
Et dernière chose: comme toujours, les commentaires des lecteurs du Monde valent leur pesant de cacahuètes. Entre les partisans de l'Apartheid, qui préfèreraient que les homos règlent leurs “problèmes” sans déranger les hétéros, ceux qui ne voient même pas pourquoi on se plaint, et les homophobes presque assumés, c'est à se demander s'ils sont vraiment représentatifs de ce pauvre journal. Heureusement, quelques internautes pleins de bon sens viennent remettre un peu d'ordre. Mais c'est la preuve, s'il en fallait une, que le combat pour l'égalité est loin, très loin d'être terminé.
MÀJ: Act Up-Paris a aussi répondu à Rama Yade. À lire ici.
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