17 octobre 2008

“Cara et moi” d'Emma Donoghue

Depuis mon départ de Têtu, le 31 mai 2007, j'ai un peu perdu le fil des sorties de livres lesbiens. Il y a quelques temps, j'ai repris contact avec les maisons d'édition françaises et du coup, je n'arrête pas de lire. J'adore. Et la bonne nouvelle, c'est que pour l'instant, j'ai quasiment tout aimé. Je vais donc mettre en ligne, au fil des jours, des critiques (forcément positives puisque j'ai aimé) de ces ouvrages. On commence avec Cara et moi d'Emma Donoghue, aux éditions Dans L'Engrenage.

Je crois que jusqu'ici, j'ai aimé tous les livres publiés par les éditions Dans L'Engrenage. Pas forcément tous adorés, mais j'y ai toujours trouvé “quelque chose”, une écriture (à chaque fois), une histoire qui me touche (la plupart du temps), matière à réflexion (souvent). Quand j'ai reçu Cara et moi, je savais déjà que le livre me plairait. Je l'avais déjà lu, lorsqu'il était paru en anglais, au milieu des années 1990. En V.O., il s'appelle Hood. Mais je ne m'en souvenais plus du tout (il a fallu que je vérifie dans ma bibliothèque qu'il était bien là pour confirmer que je l'avais lu), je savais juste qu'à l'époque, il m'avait plu. Parce que j'ai une grande chance, dans la vie: j'oublie. Je peux lire le même livre 10 fois et me laisser prendre à chaque fois. Je me souviens des émotions que j'ai ressenties, si j'ai aimé ou non (c'est simple: si j'ai envie de le relire, c'est qu'il m'a plu) mais très rarement de l'histoire et encore moins du titre. Ce qui me complique un peu la vie lorsque je vais dans une librairie, d'ailleurs.

Donc je me souvenais avoir lu Hood/Cara et moi, et je me souvenais qu'Emma Donoghue a une très jolie écriture. Et comme je suis super psycho-rigide sur les traductions — peut-être parce que ça a été mon métier, à une époque, ou peut-être parce que je suis super psycho-rigide tout court —, j'ai gardé la version originale à portée de main tout le temps où je lisais Cara et moi, ou presque. J'ai tiqué deux fois, vérifié deux fois, admis mon erreur deux fois. L'auteure est respectée, son œuvre aussi, c'est parfait (aussi parfait que puisse l'être une traduction en tout cas).

Pour la petite histoire, Emma Donoghue était l'un des auteurs que nous avions invités en 1997 pour les Premiers salons littéraires européens de l'homosexualité, que l'association dont j'étais membre, Alter Ego, organisait dans le cadre de l'EuroPride, à Paris. Elle était charmante, pas star du tout et très contente d'être là. Ce qui était très agréable, parce que faire venir je ne sais plus combien d'écrivains d'un peu partout, les loger, organiser des débats etc., c'était folklo.

Alors, me direz-vous, parce que vous en avez assez de mes digressions, ça parle de quoi, Cara et moi? Avec ce deuxième roman, Emma Donoghue réussit le tour de force de raconter la semaine qui suit la mort accidentelle de Cara, telle que la vit Pen, sa compagne. Depuis l'âge de 15 ans, Cara et Pen ont toujours été plus-ou-moins-ensemble, Pen a toujours, ou presque, été amoureuse de Cara, l'inverse n'étant pas totalement vrai, mais pas totalement faux non plus. Alternant flash-backs habilement amenés et moments présents au jour le jour (l'organisation des funérailles, la prégnance de la religion, les retrouvailles avec la sœur de Cara qui a suivi sa mère aux États-Unis 15 ans plus tôt, le boulot de prof de Pen au lycée où elle a rencontré Cara, la levée du corps, le père de Cara, chez qui le couple vivait caché, enfin dans le placard, ou plutôt dans deux chambres séparées…), Emma Donoghue nous fait vivre ces sept jours avec une justesse, une délicatesse et un sens de l'absurde rares. Un deuil n'est jamais simple à vivre, mais un deuil dans le placard, ça semble juste impossible. Et pourtant… Toute la vie adulte de Pen tournait jusqu'ici autour de Cara, des moments partagés mais aussi des infidélités, des absences, des prises de conscience politiques de Cara. Du jour au lendemain, Pen se retrouve seule, avec le père de Cara qui l'aime comme sa fille, mais c'est tout. Pas vraiment d'amis, pas de vie sociale, pas de vie du tout, en fait.

Et pourtant, Cara et moi n'est pas un livre triste. Douloureux, oui, mais pas triste. Parce qu'Emma Donoghue fait partie de cette lignée d'auteures, comme Sarah Waters, Ali Smith ou Jeanette Winterson (toutes lesbiennes, est-ce un hasard?), avec lesquelles un livre est beaucoup plus que ça. C'est un moment de la vie de celui qui le lit.

Lire aussi ce qu'en pense l'éditrice.

2 commentaires:

La Guirlande a dit…

Super, merci du conseil ! Je connaissais Sarah Waters et Ali Smith mais pas Emma Donoghue.
Du coup j'ai farfouillé. Vous avez peut-être aussi vu ça chez Ellen :
http://www.afterellen.com/people/2008/1/emmadonoghue
Et puis encore ça :
http://www.afterellen.com/books/2007/10/internationalbooks?page=0%2C0(
Sinon avez vous-lu the way the crow fly d'AM McDonald ? une merveille...

Judith Silberfeld a dit…

Merci pour le lien vers l'interview sur AfterEllen, j'étais passée à côté. Et non, je n'ai jamais lu Ann-Marie MacDonald, il va falloir que je m'y mette, donc.